Tout le monde a droit à l’accès à la justice
Date de publication : 23 juin 2016
La tribune suivante a été publiée sous une forme plus condensée dans la page en regard de l’éditorial du Hamilton Spectator le 22 juin 2016 (en anglais seulement)
Cliquez ici pour télécharger le graphique.
De David Field, président-directeur général, Aide juridique Ontario
Récemment, l’honorable Ian Nordheimer, juge de la Cour supérieure de justice, a suspendu une procédure pénale au motif que le défendeur – dont le revenu s’élève à 16 000 $ par an, soit bien au-dessus du seuil d’admissibilité minimum à l’aide juridique de 12 000 $ – n’avait pas les moyens de payer les frais juridiques qui pourraient s’élever à 11 000 $.
Dans sa décision, le juge Nordheimer a déclaré : « Quiconque observant la situation de l’extérieur peut constater que, de toute évidence, les seuils de revenu utilisés par Aide juridique Ontario sont loin de s’approcher de ce qui constitue la pauvreté dans ce pays. » [Traduction]
Néanmoins, avec tout le respect dû au juge Nordheimer, la vérité nous saute aux yeux également.
Nous sommes d’accord avec le juge Nordheimer : l’écart entre l’admissibilité à l’aide juridique et la mesure de faible revenu est beaucoup trop grand. Un nombre beaucoup trop élevé d’Ontariens et d’Ontariennes à faible revenu passent à travers les mailles du filet de sécurité, et pas seulement dans le cadre de procédures pénales comme celle dont il est question, mais aussi dans le cadre de procédures relevant du droit de la famille, du droit des réfugiés et d’autres domaines.
La dure réalité à laquelle Aide juridique Ontario fait face au quotidien est une réalité que la plupart des personnes connaissent bien : il y a une forte demande pour les services que nous offrons, mais les ressources dont nous disposons sont limitées. Nous pourrions, comme le suggère le juge Nordheimer, modifier le seuil d’admissibilité à l’aide juridique pour qu’il corresponde à la mesure de faible revenu actuelle, mais nos niveaux de financement actuels resteraient inchangés et il resterait tout de même des perdants.
Et l’augmentation de la demande est, quant à elle, bien réelle. L’an dernier, les changements apportés aux seuils d’admissibilité financière et juridique ont conduit à une augmentation de 24 pour cent des certificats d’aide juridique accordés.
Nous devons reconnaître que la situation s’améliore. Grâce aux hausses du financement apportées par le gouvernement provincial ainsi qu’aux augmentations récentes fournies par le gouvernement fédéral, 400 000 Ontariens et Ontariennes de plus sont devenues admissibles à l’aide juridique en dix-huit mois. Le gouvernement provincial s’est également engagé à long terme à améliorer l’admissibilité financière afin d’atteindre, sur une période de dix ans, la mesure de faible revenu. Le gouvernement fédéral a également annoncé un financement supplémentaire de 118 millions de dollars aux régimes d’aide juridique partout au Canada pour les cinq prochaines années.
Le changement s’opère néanmoins lentement et graduellement. Cependant, l’aide juridique n’est pas seule à avoir des lacunes qui nécessitent d’être corrigées. Le coût pour une personne forcée à avoir affaire au système judiciaire est excessif, voire même incontrôlable. De plus, les retards dans le système de justice criminelle sont endémiques et font augmenter les coûts des procédures juridiques.
Dans les procédures en droit criminel, plusieurs facteurs, notamment le recours aux peines minimales obligatoires, l’accès limité aux peines avec sursis et les problèmes liés au système de mise en liberté provisoire opèrent une lourde ponction sur les ressources. L’administration des tribunaux s’effectue souvent sur papier, ce qui occasionne également des retards. L’accumulation de tous ces éléments a pour conséquence des procédures juridiques coûteuses qui peuvent prendre des mois. Bien que les affaires ne nécessitent pas toutes d’être réglées devant un tribunal, il en va souvent ainsi.
Mais en vérité, chaque fois qu’une personne en Ontario doit faire face à une procédure judiciaire, elle a déjà probablement dépensé des centaines, sinon des milliers de dollars avant même de mettre les pieds dans une salle d’audience et ce, peu importe son revenu. Ce n’est qu’en trouvant des moyens d’atténuer ce phénomène que l’on évitera la hausse incessante des frais de justice et, parfois bien pire, l’autoreprésentation des personnes devant les tribunaux.
Chaque année, des Ontariens et Ontariennes à faible revenu peuvent compter sur l’aide des avocats d’Aide juridique Ontario non seulement en ce qui concerne des affaires criminelles qui peuvent mettre leur liberté en péril, mais aussi pour des affaires de droit de la famille qui peuvent avoir des conséquences sur les enfants, ainsi que pour des demandes d’asile pour lesquelles la vie même est souvent en jeu. Au même moment, d’autres voient leur demande refusée.
Telle est la dure réalité d’un organisme qui offre des services d’aide juridique. Le juge Nordheimer a tout à fait raison de le souligner. Nous sommes d’accord sur le fait que tout le monde a droit à un accès à la justice équitable. Faire de ce droit une réalité est la tâche qui nous incombe.