Clarifier le lien entre l’ascendance autochtone et la détermination de la peine criminelle
Date de publication : 4 juillet 2019
Dans le cadre de la Stratégie de justice applicable aux Autochtones, AJO s’est attachée à améliorer les services aux clients des Premières Nations, Métis et Inuits. C’est la raison pour laquelle, en 2016, AJO a apporté son appui à Andrew Kreko lors de son appel de la décision du juge du procès. En effet, ce dernier n’avait pas pris en compte l’ascendance autochtone de M. Kreko lors de la détermination de sa peine.
En 2014, M. Kreko a été condamné à 13 ans de prison pour avoir effectué un vol à main armée contre un homme dans un terrain de stationnement et pour l’avoir abattu après que l’homme l’avait renversé avec son auto. Le juge de procès a statué qu’il n’avait pas tenu compte des facteurs Gladue parce qu’il n’avait pas vu le lien entre l’ascendance autochtone de M. Kreko et l’infraction criminelle pour laquelle il avait plaidé coupable.
La Cour d’appel a cependant conclu que les juges doivent toujours prendre en considération l’ascendance autochtone d’une personne au moment du prononcé de la peine si celle‑ci à une incidence sur l’infraction commise même si le contrevenant apprend son ascendance plus tard dans sa vie comme c’était le cas pour M. Kreko.
La Cour d’appel a également réduit la peine de M. Kreko. Elle est passée de 13 à 9 ans.
AJO a soutenu cet appel à cause de l’incidence que ce dernier a sur les contrevenants autochtones pour qui la question de l’application des principes Gladue peut se poser.
Citations
Dans sa décision relative à l’affaire R.v.Kreko, la Cour d’appel a réaffirmé la primauté des décisions de la Cour Suprême du Canada dans les affaires Gladue et Ipeelee. Le juge a insisté sur le fait que les tribunaux ont la lourde responsabilité de réellement appliquer les principes énoncés dans ces affaires, et non pas de les invoquer « pour la forme ». Le traitement honteux des Autochtones et la discrimination à leur encontre qui se sont étendu sur des siècles n’exigent rien de moins.
Plus particulièrement, la Cour d’appel a réitéré le fait qu’il n’y a pas besoin de lien de causalité entre le passé d’un contrevenant autochtone et ses infractions, un lien contextuel suffit. Cette mesure garantit que les principes autochtones de détermination de la peine ne soient pas artificiellement restreints.
J’estime que le jugement Kreko aidera à sensibiliser les juges chargés de la détermination de la peine aux diverses transformations qui désavantagent et discriminent les Autochtones. L’effet de la discrimination intergénérationnelle est profond, mais il peut être difficile à repérer. Pour découvrir ces effets, il faut reconnaître à la fois la terrible longue histoire des mauvais traitements infligés aux Autochtones et les détails parfois lointains de l’ascendance d’une personne accusée. Un tribunal chargé de déterminer la peine peut devoir effectuer des recherches plus poussées sur l’ascendance personnelle et collective de l’accusé autochtone que ce n’est généralement le cas pour un accusé qui n’a pas cette ascendance.
Dans cette affaire, quand M. Kreko a finalement découvert son ascendance et qu’il a pris conscience de la culture qu’il avait perdue il y a longtemps, il n’est pas surprenant qu’il ait sombré dans une profonde crise d’identité. Cette crise a coïncidé avec le début de ses infractions criminelles. Si l’on ne comprend pas la triste histoire de M. Kreko qui remonte à plusieurs générations, on ne peut pas saisir pleinement l’effet que cette dernière a sur sa vie actuelle.
Si, sous un angle très restreint, une personne autochtone peut sembler ne pas être touchée par son ascendance, lorsque l’on se penche sur la dernière génération de l’histoire familiale, on découvre souvent une discrimination persistante aux effets dévastateurs qui a pesé sur son développement et son épanouissement.
La reconnaissance de ces faits historiques personnels par la Cour d’appel donnera une nouvelle vie à l’application des principes Gladue dans des situations qui sortent du scénario Gladue stéréotypé.
Pour en savoir plus
- Décision judiciaire finale : R. v. Kreko (en anglais seulement)