La Cour suprême du Canada rejette la contestation fondée sur la Charte concernant le droit au logement
de Tracy Heffernan
La Cour suprême du Canada a décidé de ne pas permettre aux personnes les plus vulnérables de notre société de faire entendre leurs plaintes concernant la violation de leurs droits humains par le gouvernement devant les tribunaux.
Aussi choquant que cela puisse paraître, c’est la vérité.
La décision de la Cour
Le 25 juin 2015, la Cour suprême du Canada a conclu que la contestation fondée sur la Charte visant à tenir le gouvernement responsable de la crise relative aux logements abordables et à l’itinérance au Canada ne serait pas entendue devant les tribunaux du Canada.
Sans preuve en main, deux des trois juges de la Cour d’appel de l’Ontario ont confirmé la décision rendue au tribunal inférieur d’exclure les affaires d’itinérance des tribunaux. La décision de la Cour suprême confirme cette décision. Pour les itinérants et les personnes au logement précaire qui ont déposé la contestation et qui ont attendu près de 5 ans que les 10 000 pages de preuves détaillant les répercussions de l’itinérance pour des centaines et des centaines de personnes dans le pays soient présentées au tribunal : c’est la fin.
La réalité
En attendant, la crise du logement ne fait qu’empirer au Canada. Durant les cinq dernières années, les listes d’attente pour les logements sociaux en Ontario ont considérablement augmenté pour atteindre 168 711 ménages, le gouvernement fédéral a annoncé la suppression de 350 000 subventions au logement pour les ménages à faible revenu dans l’ensemble du pays, et les coûts financiers de l’itinérance n’ont fait que grimper. Ce coût est actuellement estimé à 7 millions de dollars par an.
Si la valeur d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses citoyens les plus vulnérables, alors la nôtre est un véritable échec. Pendant 48 ans, le Canada a été un chef de file mondial en matière de logement et visait à garantir que tous les Canadiens et Canadiennes aient accès à un logement sécuritaire et abordable. Si le gouvernement n’avait pas tourné le dos aux Autochtones, aux Aînés, aux personnes qui ont une déficience physique ou mentale, aux jeunes et à tous ceux qui éprouvent des difficultés à accéder au logement du fait de leur race, nous n’aurions pas la crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Pourtant, la Cour a également envoyé un message clair au gouvernement : il est temps de réagir et de prendre des mesures pour s’attaquer à cette situation d’urgence nationale.
Continuer à faire pression pour faire évoluer la situation du logement au Canada
Bien que la Cour suprême puisse nous réduire au silence sur le terrain juridique, il ne peut en être de même sur le terrain politique. Une coalition réunissant des groupes de l’ensemble de l’Ontario et du Canada fait actuellement pression pour faire évoluer la situation du logement au Canada et mettre le sujet directement au centre des préoccupations politiques. Doucement mais sûrement, nous commençons à remporter quelques victoires : dans l’ensemble du pays, on parle de la crise liée aux logements abordables et du besoin d’une stratégie nationale en matière de logement. Nous continuerons à faire pression sur le gouvernement pour faire changer les choses. Nous étudierons également si nous devons porter l’affaire sur la scène internationale.
Tracy Heffernan est coavocate dans l’affaire Tanudjaja v. Canada et directrice de programme au Centre ontarien de défense des droits des locataires. Son centre a organisé la coalition Droit au logement, regroupant des gens de divers horizons et expériences, dont des sans-abri ou des personnes mal logées, des organismes communautaires, des groupes de défense et des universitaires.